Comme, vous l'avez peut-être compris, j'aime bien parfois retourner les choses pour les exposer sous un autre angle et je trouve ce texte très judicieux et très parlant :
Interview trouvée ici : http://nonsco.free.fr/textes.html
2015 : L'instruction à domicile est la norme éducative,  homeschooling ou unschooling,  après le krach pédagogique de 2010, l'école est en faillite, les enfants scolarisés deviennent  minoritaires, une loi autorise encore la scolarisation mais celle-ci est très contrôlée :  les parents doivent justifier leur choix et leurs enfants sont examinés tous les ans afin de constater  que la scolarisation n'intervient que peu dans la perturbation de leurs rythmes naturels (sommeil,  repas, créativité...). Jules Rifé, journaliste de la revue "Vivre et apprendre", a interrogé une mère  de famille qui scolarise ses deux enfants de 8 et 13 ans.
 
- Pourquoi ce choix de l'école ? Qu'est-ce qui un jour vous a poussée à faire ce choix ?  Vous auriez très bien pu faire comme tout le monde et pratiquer l'instruction en famille.
- Je n'avais pas spécialement envie de m'occuper de l'instruction de mes enfants, et comme  je savais qu'il y avait l'école... Je voulais travailler aussi.
 
- C'est un mode de garde pour parents qui veulent travailler ?
- Oui, mais pas seulement : l'école assure l'instruction des enfants, elle fait  d’une pierre deux coups.
 
- Et votre mari, qu'en pense-t-il ?
- Nous étions d'accord pour la scolarisation, aucun de nous ne voulait mettre son emploi entre  parenthèses et changer notre vie d'avant.
 
- Est-ce que ça n'a pas été trop dur au départ ? Comment avez-vous, vous et vos enfants,  vécu la rupture ?
- Oui, ça a été difficile, Melvin a pleuré pendant un bon mois et demi au moment de ses deux  premières rentrées et Fiona, un peu moins, trois semaines seulement. Ils m'en ont fait voir,   même à la maison. C'était comme si je les avais abandonnés, ils ne me faisaient plus confiance,  ils se sont éloignés de moi aussi. Maintenant, ils se sont habitués, c'est oublié.
 
- Et les problèmes des adolescents justement, les traumatismes de la petite enfance n'arrangent  pas les choses quand même, ne pensez-vous pas que l'école est grandement responsable ?
- C'est vrai qu'il y a beaucoup moins de crises maintenant qu'il y a dix ans, quand la quasi-totalité  des enfants allaient à l'école... Melvin entre juste dans l'adolescence, alors je vous dirai  ça dans quelques années...
 
- Le regard des autres, la famille, comment ont-ils réagi ?
- Alors la famille... ma mère m'a regardée avec des yeux ronds quand je lui ai dit que les  enfants iraient à l'école, elle n'était pas d'accord bien sûr, elle m'a donné les arguments  habituels : le bruit, la promiscuité, l'apprentissage réel très limité, le manque de sommeil,  le désir de l'enfant, la perte de la spontanéité... Avec les amis, les collègues de travail, je n'en  parle pas vraiment, c'est étrange pour eux, ils ne conçoivent pas ça dans leur vie, qu'on puisse envoyer  les enfants à l'école... Je préfère éviter le sujet, je n'aime pas trop les polémiques.
 
- Et le rythme des enfants justement, vos enfants ont-ils le temps de rattraper le sommeil  perdu le week-end ?
- Oui, le week-end, je les laisse dormir jusqu'à 11 h ou midi et ils sont dispos  pour repartir le lundi !
 
- A quelle heure se lèvent-ils les jours de classe ?
- A 7 heures, 7 heures 15, comme nous.
 
- C'est le rythme d'un adulte qui travaille...
- Oui, mais c'est comme ça si nous, adultes, voulons travailler.
 
- Comment conciliez-vous rythme de l'école et vie de famille ou vie personnelle ?  Vous reste-t-il du temps à passer avec vos enfants ? Combien de fois par semaine ?
- Le rythme de l'école correspond à notre rythme de travail à mon mari et moi-même, alors c'est  très bien. Les enfants vont à la garderie le matin à 8 h, ils mangent à la cantine le midi,  le soir c'est garderie et étude pour le plus grand, jusqu'à 18 h. Le mercredi, ils vont chez   leur ancienne nounou ou restent à la maison, donc, il nous reste le week-end pour être ensemble.   Avec la petite, on peut bricoler ou sortir se promener, mais avec le grand... c'est plus difficile,   il a ses copains et il n'a pas vraiment envie de faire des choses avec nous.
 
- Cela fait quand même des journées de dix heures, vous ne trouvez pas que  ça fait beaucoup pour des enfants ?
- Comme ça, ils s'habituent pour le travail plus tard ! (Rires.) Oui, c'est une grande  liberté d'action pour chacun aussi, enfin pour nous, on stresse moins et on peut   travailler l'esprit tranquille.
 
- Et l'esprit de compétition, la violence verbale ou physique, le rejet par les autres,  comment votre enfant vit-il cela, avez-vous un moyen d'atténuer ces maltraitances ?
- Tout cela existe dans la vie aussi, alors plus vite ils l'apprendront, mieux ce sera pour  eux. A la maternelle, ils nous parlaient de leurs problèmes à l'école, qu'Untel les tapait,  les disputes avec les copains ou les cris de la maîtresse, mais qu'est-ce que vous voulez...  On leur a dit d'être gentils avec les copains et la maîtresse mais nous n'avons pas de solution,  ils ont leur vie, nous la nôtre. Maintenant, je suppose qu'il n'y a plus de problème puisqu'ils  ne nous disent plus rien... Enfin, je l'espère.
 
- Justement, ne croyez-vous pas que les enfants en allant à l'école ont une double vie ?  Qu'ils portent un masque, un pour la maison, un pour l'école ?
- Sans doute, comme nous tous, je crois que l'école leur apprend à se retenir et à  contenir leurs émotions, ça les prépare encore à s'insérer dans cette société, au travail,  vous savez, tout le monde sourit à son patron mais n'en pense pas moins...
 
- Vos enfants vous ont-ils parlé de la promiscuité et du bruit, comment font-ils pour  supporter ces désagréments ?
- C'est sûr que 28 ou 29 dans une salle de classe, ça fait beaucoup, même moi, je ne me  vois pas travailler avec 28 collègues dans une salle ! Je crois que les enfants ont des capacités  à supporter certaines choses que nous adultes ne supporterions pas. Mais ils ne me parlent pas du  bruit. Parfois, pouvoir se retrouver un peu seuls, c'est arrivé oui.
 
- Ont-ils encore un esprit créatif, pas facile quand même de créer sur commande à l'école... non ?
- Heu... qu'est-ce que vous entendez par esprit créatif ?
 
- Peinture, bricolage, dessins, créer ce qu'ils ont envie...
- Disons, à la maison, ils dessinent, enfin, la plus jeune, mais Melvin est au collège et  il n'a plus le temps avec les devoirs et les copains avec qui il chate sur le Net. De la peinture,  ils en font à l'école, je crois...
 
- Et les devoirs, c'est abuser, vous ne croyez pas ? Ils les font avec plaisir ?
- Ah, je reconnais que les devoirs, ce n'est pas tous les jours facile... Melvin a énormément  de travail à la maison. Environ 2 heures chaque soir en rentrant du collège. Mais il a pris l'habitude,  et puis il sait qu'il ne pourra pas jouer à la Wii 3 le week-end s'il ne fait pas correctement ses  devoirs. Avec Fiona, c'est un peu plus facile, elle a 8 ans.
 
- J'en viens à vous demander... combien d'heures consacrent-ils par semaine à leur scolarité ?
- Voyons... Les jours de classe, c'est environ 7 à 8 heures avec les devoirs, et si on ajoute  la cantine et la garderie ou l'étude, on peut rajouter 3 ou 4 heures de plus, donc 10 à 12 heures par  jour... Environ entre 40 et 48 heures.
 
- C'est beaucoup plus qu'un adulte qui travaille >!
- Ils peuvent se reposer le week-end.
 
- Vous aussi.
- Oui, mais ils récupèrent plus vite que moi ! (Rires)
 
- Comment gèrent-ils l'ennui à l'école ? On sait bien que les sujets d'étude n'intéressent  que peu les élèves.
- Ils ne me disent pas qu'ils s'ennuient à l'école, bon, c'est vrai qu'ils ne me racontent pas  leurs journées, alors, c'est un peu leur jardin secret, l'école. A la maison, par contre, ils s'ennuient  vite en dehors de la TV pour Fiona ou de la console pour Melvin.
 
- Et ne sont-ils pas en manque de vrais copains, de relations sainement choisies ?  Je ne parle pas des relations artificielles, créées par la force des choses dans la promiscuité  scolaire.
- C'est vrai que tous leurs copains ou copines sont dans leur classe, de toute façon,  ils n'ont pas le temps ni l'occasion d'en avoir d'autres, alors autant prendre ceux qui sont sur  place, je trouve que c'est un bon choix. Ils s'entendent plutôt bien avec eux, je crois.
 
- Comment se passent les contrôles et quelle est leur fréquence ?
- Pfff, c'est toujours contraignant. L'assistante sociale nous pose des questions sur le pourquoi  de notre choix et pour voir aussi s'il n'y a pas carence éducative, si nous respectons les rythmes  des enfants, etc. Elle vient tous les deux ans à notre domicile. Puis, chaque année, les enfants  sont contrôlés, ils passent des tests de QE, des tests de créativité et des tests de socialisation  pour voir s'ils sont à l'aise et capables d'avoir une conversation avec des individus de tous âges  et de tous milieux.
 
- Ah, oui, parce qu'à l'école, ils voient toujours les mêmes personnes : des enfants du même âge  et les mêmes adultes.
- Oui, c'est pour ça.
 
- Et comment est l'ambiance dans ces moments-là ?
- Plutôt tendue. On sent bien que les personnes qui contrôlent sont contre la scolarisation...  Une fois que c'est terminé, on est soulagé, même les enfants sont stressés par ces contrôles...  Si le contrôle se passe bien, c'est ok, on peut continuer avec l'école.
 
- Financièrement, votre emploi comble-t-il toutes les dépenses dues à l'école (cantine,  garderie, vêtements à la mode, fournitures scolaires, trajets en voiture...) ?
- On arrive à joindre les deux bouts parce que nous travaillons tous les deux mais c'est  vrai qu'en plus, nous n'avons pas l'AIF, l'allocation d'instruction en famille. Et nous payons  plus d'impôts parce que la scolarité d'un élève coûte cher, environ 10 à 12 000 € par an et par  enfant.
 
- C'est très important, effectivement.
- Oui mais c'est un choix mûrement réfléchi !
 
- Vous savez quand même que l'école est une institution très polluante, rien qu'à sa  consommation de papier, cela ne vous gêne-t-il pas de participer à la dégradation de notre  environnement ?
- Nous ne sommes pas à la place des enseignants, c'est à eux qu'il faudrait poser la  question. Non, je ne me sens pas responsable de la dégradation de l'environnement. C'est  aux professionnels de trouver des solutions aux problèmes qu'ils créent.
 
- Bon courage dans votre aventure de la scolarisation et merci d'avoir accepté cette interview.
- Merci à vous de consacrer un article à ce sujet qui n'est pas toujours compris...